Des milliers de repas livrés aux plus démunis, « c’est de l’humanitaire »
Publié sur actu.fr
Contraintes par le confinement imposé pour limiter la pandémie de coronavirus, les associations ont dû s'adapter, comme le fait l'Armée du salut à Paris, pour distribuer des repas.
Le coronavirus et le confinement ne mettent pas en pause les détresses sociales. Pour assurer la continuité de ses actions, l’Armée du Salut a mis en place, mardi 24 mars 2020, une nouvelle organisation lui permettant de livrer plus d’un millier de repas par jour dans les squats, bidonvilles et hôtels sociaux de Paris. Un dispositif digne d’une mission humanitaire.
Deux repas livrés par jour pour 1 250 personnes
« C’est dans les moments de crise que les gens se mobilisent à fond », sourit Marie Cougoureux à l’arrière du siège de l’Armée du Salut, dans le 20ème arrondissement. Cheffe de service à la fondation, elle supervise la deuxième matinée de livraison de repas, mercredi 25 mars. « C’est magique de réussir ça », explique-t-elle lorsque le sixième et dernier fourgon est rempli.
Les camions, avec des équipes de trois bénévoles, vont livrer l’équivalent de deux repas par jour à 1 250 personnes, dans 15 lieux précaires : hôtels sociaux dans le nord-est de Paris, squats à Aubervilliers et Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), campements et bidonvilles à Vincennes, Montreuil. Des lieux signalés par des partenaires « qui aident à recenser les besoins », expliqu
e Sylvain, qui cartographie.
« De grosses difficultés logistiques » pour s’organiser
L’Armée du Salut est la seule association à procéder par livraison. « Un des maillons » dans la chaîne de solidarité déployée pour faire face à la crise actuelle, note Maxime Klethi, chargé de communication venu prêter main forte : « Nous répondons à la problématique de ces gens qui doivent rester confinés. »
Les lieux de distribution publics, comme les petits-déjeuners, n’attirent plus mais ceux ouverts font le plein :
Ce matin, à Aubervilliers, nous n’avons distribué que 40 petits-déjeuners. C’est la conséquence de l’évacuation du camp. Mais rue Jouhaux dans le 10ème arrondissement, notre soupe de nuit accueillent 25 % de bénéficiaires en plus, qui se reportent là depuis que les autres distributions s’arrêtent.
Alors que des gymnases ont été ouverts, des hôtels réquisitionnés et des centres dédiés aux sans-abris malades du coronavirus créés, les maraudes peinent à poursuivre leurs actions. Les Restos du Coeur, La Chorba à La Villette, L’un est l’autre et l’Ordre de Malte continuent. À Paris, 23 paroisses du diocèse ont mis en places des distributions alimentaires.
Comme les autres associations, l’Armée du Salut doit aussi s’adapter au coronavirus : « Nous avons eu de grosses difficultés logistiques car, même si une grosse partie de nos salariés restent en poste dans nos Ehpad, en protection de l’enfance ou auprès des personnes sans-abris, nous avons dû créer une réserve sociale avec des salariés confinés pendant 14 jours pour remplacer les autres. »
« Il est très important de préciser qu’on va revenir demain »
Avec l’aide de bénévoles, dont l’association a toujours besoin, le distributions se sont mises en place. La moitié des repas est financée par la Ville de Paris et l’association Aurore, qui fournissent 5 000 repas dans quatre lieux : Carreau du Temple, Grands Voisins, Barbès et l’Armée du Salut. L’autre moitié vient de « traiteurs solidaires » comme Baluchon, Table de Cana ou Planète Sésame.
Avant de charger les cartons et cagettes dans les camions, tous les bénévoles sont briefés. « Il est très important de préciser d’abord qu’on va revenir demain », souligne Jérémy Barthez, en charge de la halte humanitaire. « Il y aura peut-être des incidents, il faut réduire les risques et faire de la médiation d’abord. » La crainte de l’abandon est réelle, explique Isaure de Gaulejac, chargée de projet :
Le système D a été mis à mal avec le confinement. Les gens ne peuvent pas sortir et la police est partout alors qu’il y a énormément de sans-papiers. On intervient pour répondre aux besoins primaires de gens qui vivent dans des conditions ignobles. Tout doit être mis en oeuvre instantanément, c’est de l’humanitaire.
Face à cette urgence, « des structures qui ont d’habitude du mal à faire vite débloquent des fonds et agissent en 24 heures ». Exemple à Aubervilliers, dans un entrepôt squatté par 200 personnes où un point d’eau a été installé en une journée, alors que les habitants de ce squat y vivent depuis deux ans. « Tout le monde veut aider, ça fuse de partout », constate la chargée de projet.
Des besoins en bénévoles pour assurer les livraisons
C’est le cas d’un groupe de cinq nouveaux bénévoles venus grossir les rangs mercredi matin. Parmi eux, Marouane et Margot, la vingtaine, ont sillonné le nord-est de Paris, en commençant par un hôtel de l’avenue du Président Wilson, à Saint-Denis. Ils y ont livré Mohamed et Kader, deux employés d’un hôtel qui ont à leur charge 25 personnes âgées de 17 à 32 ans.
La moyenne d’âge est encore plus basse dans un hôtel de la rue des Poissonniers, dans le 18ème arrondissement. « J’ai 25 mineurs », détaille Hadi, le gérant. Depuis un mois, face au coronavirus, il a mis en place un protocole drastique : « Chaque jeune fait le ménage tous les jours, ils désinfectent leurs chambres ». Les adolescents, à l’abri depuis décembre, se sont habitués :
Chacun a son assiette, ses couverts, ils les nettoient. Il y a du spray à la javel partout ! Ils respectent bien le confinement, heureusement que j’ai une cour intérieure. Sinon, ils péteraient un câble. Mais tout se passe bien.
Même calme dans le dernier hôtel visité par le duo de bénévoles, rue Myrha, où une douzaine de bénéficiaires sont hébergés. Grâce à un questionnaire, les bénévoles notent sexes, âges et besoins particuliers en livrant. Pour que le dispositif puisse suivre la demande, l’association aura besoin de bénévoles supplémentaires pour distribuer un panier plus salutaire que jamais.
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