Par Emmanuel Olivier - Parti Animaliste
Nous sommes la génération qui a été le plus connectée à la diversité du monde et celle qui a vécu avec la plus grande intensité sa destruction massive et précipitée. En vivant aujourd'hui l'uniformisation, notamment des villes périphériques à Paris, nous sommes entrés dans un quotidien désenchanté. En vivant de plus en plus ces moments d'inconfort (alimentation de supermarché- Leclerc/ la place des voitures dans les rues de Vitry/ la densification des habitats/ la fracture sociale/ la perte de contact avec la Terre...), nous sommes entrés en écologie comme forme de résistance, par nécessité vitale.
En opposant la nature à la culture, l'art à la technique et les émotions à la raison, nous sommes devenu une société duale, faisant naître une multitude de nouvelles précarités. Même l'écologie politique a fini par gommer ce qui nous relie à tous les êtres vivants. L'écologie au service de l'homme, à mon avis, est dépassée. L'écologie utilitariste de la nature est encore une forme subtile du capitalisme et ne pourra que renforcer l'injustice sociale et environnementale.
Construire une société ou une ville dans l'opposition permanente entre nature et culture, c'est légitimer l'instrumentalisation des êtres vivants non-humains, et, de ce fait, participer à l'érosion de la biodiversité. Construire une société sur la quête du profit individuel ou du bien-être individuel, c'est également laisser sur le bas-côté toutes les communautés qui ne peuvent ou ne veulent obéir à cette injonction : les plantes, dont la temporalité diverge de la nôtre ( elles ne vivent pas que pour nourrir l'homme ou embellir sa vue et son odorat); les milieux populaires qui bénéficient de moins d'opportunité que les autres; les minorités maltraitées; la ville phagocytée par la métropole.
Face à la précarité du monde (sentiment d'insécurité/ d'absurdité et de rupture) et au désenchantement de la ville, nous devons proposer une alternative qui passe par des mesures concrètes mais aussi un récit commun.
L'écologie politique ne doit pas dissocier nature et culture. Positionner tous les humains et non-humains dans un tissu de relations, au sein d'une même communauté de destins est un projet accessible. L'écologie doit permettre de redonner une place à la nature dans la ville et proposer une relation entre les habitants et cette nature. C'est par la relation qu'une ville équilibrée se crée. Commencer par repenser, dans une ville, la relation aux animaux, c'est ouvrir de nouvelles perspectives. C'est permettre un renouveau ontologique et repositionner l'homme dans le vivant. Dépasser l'anthropocentrisme et accorder une considération renouvelée aux non-humains, c'est être capable de contribuer à une meilleure justice sociale.
Habiter une ville, c'est cohabiter. L'écologie, la cause animale et la reconnaissance des personnes vulnérables sont indissociables et le lien qui nous unit aux autres vivants fait naître en nous le désir de proposer une autre vision de la politique, une autre façon de rentrer en lien et de dialoguer, plus respectueuse de l'Autre et une autre posture dans la gestion du pouvoir.
Nous ne pouvons plus nier que la maltraitance animale génère des contre-productivités sociales et environnementales. J'ai souvent été étonné que dans les groupes écologistes il n'y ait pas plus d'engagement pour la cause animale. Peut-être utilisons-nous des stratégies psychologiques de défense comme le déni, le clivage, la rationalisation, afin de se protéger des sentiments négatifs que la maltraitance animale suscite en nous. Ces stratégies renforcent nos résistances au changement car malgré les nombreuses vidéos sur la souffrance animale dans les abattoirs, les fermes-usines, les cirques, la plupart des êtres humains ne modifient pas leurs styles de vie.
Par rapport au respect de la nature ou le changement climatique, la question animale à une profondeur. Elle est stratégique. Elle met l'accent sur ce que nos rapports aux animaux révèlent de nous. Quelle conception de nous-mêmes et de la politique rend possible l'assujettissement des animaux ? Inversement, que serait une municipalité et une politique qui prendrait au sérieux le fait que les animaux comptent?
La théorie sur laquelle repose l'écologie politique ne peut plus être, comme dans le libéralisme politique, un individu défini par sa seule liberté et son bien-être, mais un être vivant qui partage l'espace, la ville, avec d'autres vivants. Il n'est pas légitime de réduire les finalités du politique à la sécurité des habitants d'une ville.
A travers cette liste écologiste, solidaire et citoyenne nous devons garder en tête qu'il y a plusieurs niveaux de combat politique. Comment est-il possible de parvenir à des changements majeurs dans une ville, sur le plan moral, politique, économique et existentiel tout en restant dans une démocratie pluraliste. Même si nous n'avons pas tous la même vision du monde ou de la gestion d'une ville, nous devons trouver des terrains d'entente qui améliorent, notamment le sort des animaux, respectent la dignité des êtres humains et mettent les habitants de la ville sur la voie d'une ville écologiquement soutenable, plus juste et plus conviviale.
Comments