Et si les principes de la Démocratie ouverte pouvaient nous aider à faire face ensemble à l’une des plus grandes crises sanitaires à laquelle la France et l’humanité sont confrontées ?
Etat des lieux et perspectives.
Moins d’une semaine après l’entrée en vigueur du confinement, près des deux tiers des Français pensent que “le gouvernement [leur] a caché certaines informations” sur le coronavirus : la défiance s’installe (sondage Ifop). Ce criant besoin de transparence, que l’accident de Lubrizol avait déjà mis en lumière, apparaît plus que jamais comme l’une des clés d’une gestion de crise réussie. L’un des piliers de la Démocratie ouverte s’invite donc de fait dans le débat national autour de la réponse collective à apporter à la crise. Mais ses deux autres piliers, la collaboration et la participation peuvent également nous inspirer pour la suite. L’EXIGENCE DE TRANSPARENCE Jour 4 du confinement : vendredi 20 mars en fin de journée, le gouvernement annonce sur Twitter que les données sanitaires de l’épidémie sont désormais accessibles en open data jour par jour. Nombre de patients hospitalisés, en réanimation ou soins intensifs, décès…
Toutes les données peuvent désormais être utilisées librement pour permettre une analyse partagée et une meilleure représentation visuelle de la situation.
En matière de transparence, deux autres aspects doivent être développés pour s’approcher d’une gestion de crise plus ouverte :
Un effort supplémentaire est nécessaire en vue d’informer de manière exhaustive sur les raisons, la nature et les résultats des actions entreprises pour affronter la crise sanitaire et économique. L’opacité longtemps entretenue sur l’épuisement des stocks stratégiques de masques est à ce titre une faute grave. Elle entretient notamment le doute sur la capacité du gouvernement à faire face à la crise et sur l’efficacité des consignes de protection de la population.
Il est aussi possible de mieux garantir la sincérité et l’intégrité des décisions en clarifiant les critères de choix et en identifiant des tiers de confiance indépendants. Ces dispositifs complèteraient utilement le travail des onze experts du “conseil scientifique” appuyant les décisions du gouvernement.
LES OPPORTUNITÉS DE LA COLLABORATION AVEC LA SOCIÉTÉ CIVILE
Jour 6 du confinement : “nous ne relèverons pas ce défi en solitaire, mais en solidaires”… Gabriel Attal, secrétaire d’Etat à la jeunesse cite le président de la République pour annoncer l’ouverture du portail jeveuxaider.gouv.fr. Il permet aux Français volontaires de trouver des missions pour venir en aide aux personnes en difficulté. En gestion ouverte de crise, Etat, collectivités et collectifs citoyens peuvent en effet contribuer à développer le pouvoir d’agir à travers des plateformes d’échanges de services et/ou d’orientation et de mobilisation des bonnes volontés.
Si ce premier aspect de la collaboration a déjà fait son entrée dans la gestion de la crise du coronavirus, on peut aller plus loin de deux autres manières :
S’appuyer sur l’intelligence collective citoyenne en organisant des appels à projets et en facilitant l’expérimentation des initiatives spontanées. Notons que le même jour, un premier appel à projets a été lancé par le ministère de la Défense. Il porte notamment sur les “solutions innovantes” pour lutter contre le virus, “qu’elles soient d’ordre technologique, organisationnel, managérial ou d’adaptation de processus industriels.”
Instaurer une “gestion de crise partagée” en associant les représentants des acteurs impliqués à la conception, à l’évaluation et à l’adaptation des mesures d’urgence. Si les corps intermédiaires sont régulièrement consultés par leurs ministères de tutelle, une instance de coordination pourrait notamment rassembler les organisations professionnelles impliquées dans la chaîne logistique qui “fait tourner le pays” malgré le confinement.
L’ENJEU CRUCIAL DE LA PARTICIPATION
Jour 8 du confinement : toujours rien pour donner la parole aux citoyens ! Les médias ont bouleversé leur antenne pour recevoir les témoignages des confinés et répondre aux questions des citoyens inquiets. Fake news et polémiques fleurissent sur les réseaux sociaux. Mais rien n’est encore en place pour susciter et structurer la délibération citoyenne sur la gestion et le dépassement de la crise.
Trois pistes pourraient être explorées pour enrichir le volet participatif de cette approche ouverte de la gestion de crise restant à inventer :
D’abord, avant de fustiger les “irresponsables”, il faudrait consulter régulièrement les Français sur l’acceptation, la compréhension et l’évaluation des mesures sanitaires, administratives et économiques.
Et après ? On voudrait croire que “plus rien ne sera jamais comme avant”. Encore faut-il se concerter dès à présent sur les évolutions à apporter à notre modèle de société. Rien de moins qu’inventer la France et le monde d’après la pandémie. Cette fois, il nous faut un vrai “Grand débat”.
Enfin, dès lors que nous y aurons tou(te)s réfléchi, nous devrions pouvoir en décider vraiment, de ce destin commun. Assemblée constituante tirée au sort ? Référendum d’initiative citoyenne ou partagée ? Notre démocratie représentative à bout de souffle doit vite s’enrichir d’un dispositif qui redonne la main aux citoyens de manière plus directe.
En mandarin, “crise” se traduit sous la forme d’un double idéogramme signifiant risque… et opportunité. Sous les braises ardentes du risque épidémique, réside aussi l’opportunité d’apprendre à mieux faire face ensemble aux prochaines crises qui s’annoncent. Plus transparente. Plus collaborative. Plus participative. La gestion de crise du XXIème siècle sera ouverte ou ne sera pas.
Par Julien ROIRANT est membre du cercle des engagés de Démocratie ouverte. Ancien consultant en communication/gestion de crise, il a fondé AgoraLab en 2016 pour accompagner les institutions, les collectivités et les associations dans le partage de leurs sujets d’intérêt général.
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